C’était un vendredi soir (comme tant d’autres), ce petit bonhomme d’une dizaine d’année était en apparence un enfant plutôt gai et vif d’esprit. C’était à en croire son instituteur de CM2 un enfant doué et promu à un brillant avenir. Il était dans le salon regardant la télévision, allongé par terre sous la petite table au milieu de la pièce. Non pas qu’il manquait de place assise mais il adorait se mettre dans cette position un coussin sous la tête. Sa maman s’afférait dans la cuisine et préparait le dîner, il ne serait que deux ce soir voir 3 au meilleur des cas. Ses deux frères étaient absents, quant au Père … tout dépendrait de l’heure à laquelle il rentrerait et de son état.
Comme toujours à 19h45 sa maman l’appela pour manger, il aimait ces moments, seul avec elle, rien qu’à lui. Ils parlaient, se racontaient leurs journées, lui à l’école et elle avec ses deux amies originaires de la même ville d’Espagne et qui passaient quelques après midi par semaine ensemble. L’une d’entre elles était une femme très nature et un peu naïve avec un fort accent et à qui il arrivait toujours des choses rocambolesques. Quant la mère racontait ces histoires à son fils, elle en riait aux larmes et lui bon public en faisait tout autant. Qu’elle était belle sa maman quand elle riait ainsi ! Oui ce moment était d’une douceur infinie, pourtant chacun savait qu’il serait de courte durée et appréhendait ce qui allait inévitablement suivre. Le repas terminé ils allèrent tous les deux s’installer dans le salon en attendant le début du feuilleton sur la deuxième chaine : la poupée sanglante, la porteuse de pain , les gens de Mogador, la demoiselle d’Avignon etc.…En début de soirée il s’asseyait par terre à coté de sa maman, le visage blottit contre ses jambes tandis qu’elle lui passait doucement la main dans ses cheveux raides et fins. Elle était assise dans un fauteuil en velours vert crapaud, un châle en laine sur les épaules, et elle priait tout doucement en espagnol comme pour conjurer le sort. Il entendait les murmures de sa mère et savait très bien à quoi ils étaient dus et à qui ils s’adressaient. Parfois elle regardait sa montre nerveusement et levait les yeux au ciel avec un battement des paupières résigné.
Le feuilleton commençait, il rejoignait sa place sous la table :
Gabriel (L GAUM) allait il réussir à retrouver les vrais meurtriers et innocenter Bénédict (JP ZEHNACKER) et gagner ainsi l’amour de Christine (Y FOLLIOT) ? Jeanne (M SARCEY) parviendra t elle après 20 de prisons à prouver son innocence ? Rodolphe (JC DROUT) allait-il encore rentrer ivre et crier sur Julia (MJ Nat) ? Koba (M Keller) allait-elle retrouver François (L Velle) ?
Tous les deux aimaient ces feuilletons et l’attente se faisait moins douloureuse, moins pesante. Parfois le feuilleton était interrompu par son arrivée ou bien il avait la bonne idée d’arriver après. Mais la scène était toujours la même, une clef qui n’arrive pas à ouvrir la porte, la mère qui se lève, l’enfant est triste. Elle ouvre la porte et le père rentre avec un « bonzoir » un zozotement qui lui valait toujours la même question : »tu as bu ? »et toujours la même réponse in crédible « mais non du tout » et le début des reproches, des cris , des insultes et des pleurs et ce petit garçon qui finissait consolant sa maman et lui passant la mains dans les cheveux , qu’il l’aimait cette maman et qu’il en voulait a ce papa sentant le graillon comme quelqu’un qui a passé sa soirée dans un café .
La maman prie toujours celui qui ne l’a pas écoutée et ce petit garçon a vite cessé d’être un enfant doué à l’avenir prometteur.
9 commentaires:
Tu as passé des moments durs, qui t'ont aussi construits. ...mais il me semble que tu t'es plutot bien debrouillé, et que tu as "tenu les promesses", mëme si elles sont passées par des chemins moins scolaires.
Les séries télé des années 70: on a vu et aimé les mêmes....
... pour moi c'était plutôt les feuilletons de mes frangines amis comme on a eu la télé tardivement... on les a jamais vu en premier diffu...
Espagnol... tiens encore un truc...
Tes billets me sont redoutables tant ce qu'il y est décrit m'est étranger. Ni parents maltraitants, pas marié, pas d'enfant, je ne connais rien des joies ni des peines de tu décris, toujours avec une grande finesse.
Et pourtant, au delà des mots, il se passe une multitude de choses indicibles. Je crois qu'on appelle cela l'émotion.
Très émouvant. J'aime beaucoup comme tu racontes. Comme TM, je n'ai pas eu à vivre cela, mais j'ai aussi d'autres fractures.
Que d'échos en moi...
Outch!
Moi pas d'extrême ni dans un sens ni dans l'autre. Juste au milieu, pas de complicité ni de dispute de l'autre.
J'ai été moyen toute ma vie finalement.
Arhtur : je n en sais rien a vrai dire , bcp d' interrogations
14141 : encore un truc :)
Tm , Gouli : merci ! Nous avons tous nos blessures, cassures, fêlures , qui nous ont faites tel que nous sommes . Attention je n ai jamais été maltraite TM !
Christophe : ne laisse pas ces échos trop résonner ... Nous en parlerons peut etre
PascalR : moyen en tout ? J ai du mal a y croire
@ Eau Savage : Au temps pour moi. J'ai eu cette impression. J'ai dû extrapoler à partir d'image caricaturales de la figure paternelle telle que je l'ai ressentie en te lisant.
TM : pas de soucis , peut être est ce l impression que j ai donnée , alors autant être limpide :)
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